Je suis particulièrement ému de me retrouver parmi vous pour commémorer la mémoire de tous les déportés, victimes du régime nazi et de ses affidés durant la seconde guerre mondiale.
Cette journée nous rassemble pour nous souvenir de la souffrance des hommes, des femmes, des enfants, de toutes ces destinées précipitées vers l’abîme par la folie criminelle d’autres hommes.
Elle nous rassemble pour rendre l’hommage de la Nation à toutes celles et à tous ceux qui ont connu la déportation et pour saluer, avec respect, leur sacrifice et leur courage.
Elle nous rassemble pour renouveler solennellement notre engagement à défendre, toujours et partout, une certaine idée de l’homme, à combattre sans faiblesse toutes les résurgences de l’inacceptable, à faire vivre ces valeurs qui sont notre héritage, notre bien commun, notre fierté.
En ce jour, dans cette Europe enfin réconciliée, unie autour de son idéal de paix et de démocratie, nous sommes venus exprimer et transmettre aux générations futures le message de la France : un message d’humanisme et de fidélité, de volonté et d’espérance.
Il y a plus de soixante ans, au fur et à mesure de leur avancée au cœur de l’Europe, les Alliés prenaient toute la mesure de l’horreur des camps nazis.
Avec les premières images et les premiers témoignages, le monde, bouleversé, prenait brutalement conscience de l’une des plus terribles tragédies de l’histoire de l’humanité.
Frappé de stupeur, il saisissait la réalité dramatique, implacable et mécanique de la déportation, l’effroyable barbarie d’une idéologie, d’un système d’Etat reposant sur l’oppression, la répression et l’extermination.
Ces moments, nous ne les avons pas oubliés. Et nous ne les oublierons jamais. Ils sont gravés en lettres de sang et de larmes dans notre histoire. Ils tracent notre devoir.
Mesdames et Messieurs les Déportés,
En cet instant, le souvenir, refusant le temps qui fuit et qui efface, surgit à nouveau. Vous revivez, souvent inlassablement, ces temps de souffrance, celle du froid, de la faim, de la séparation, de la déchirure, de la peur, de la mort. Et vos pensées, je le sais, vont vers celles et ceux de vos camarades, de vos proches, qui ne sont pas revenus, vers "tous ces yeux fermés jusqu’au fond de la grande nuit funèbre" qu’évoquait André Malraux.
Ce souvenir fera toujours la force irrésistible du témoin. Il fera toujours sa victoire ultime. Il aura toujours raison de l’oubli.
Vous, que les convictions, la condition, la vie parfois séparaient, vous vous êtes retrouvés côte à côte dans l’enfer des camps.
Unis pour affirmer votre dignité et défendre jusqu’au bout votre humanité.
Unis, pour que l’oubli ne l’emporte pas, pour faire mentir vos bourreaux et pour confier à la jeunesse votre message de vigilance et de résistance.
Unis à jamais dans la fidélité au souvenir.
A vous toutes et tous, qui êtes revenus des Camps, à vous toutes et à vous tous qui savez jusqu’où l’homme peut aller dans l’absolu du mal et d’où l’homme peut revenir pour affirmer cette dignité qui fait sa vraie grandeur. A vous toutes et à vous tous je veux dire notre reconnaissance et notre respect. Je veux exprimer l’hommage de notre ville à l’égard de tous les déportés.
Respect pour ce que vous êtes et ce que vous avez vécu. Reconnaissance et gratitude pour votre témoignage si précieux et pour votre engagement à faire vivre la mémoire et à transmettre aux jeunes générations le nécessaire témoignage de la vérité. Une vérité irréfutable. Une vérité inoubliable.
Ne pas oublier, c’est précisément se souvenir des leçons de l’histoire. Refuser les compromissions, les lâchetés, les abandons, quand l’essentiel est en jeu.
Aujourd’hui, nous savons où conduisent les idéologies totalitaires, les fanatismes, les extrémismes. Nous savons qu’il faut être toujours en veille. La liberté, l’égalité et la fraternité, mais aussi la démocratie et la paix ont un prix : celui de ces générations entières qui se sont battues pour elles jusqu’au sacrifice de leur vie. Elles sont des conquêtes de chaque instant. Il est des convictions, héritées de notre longue histoire, qui doivent être défendues avec la plus grande intransigeance.
En nous inclinant devant toutes les victimes de la déportation, comment ne pas nous souvenir des Résistants, des maquisards, des simples citoyens, de toutes convictions, de toutes origines, de ces hommes et de ces femmes de France ou d’ailleurs qui se sont levés pour refuser la barbarie nazie et engager le combat.
Comment ne pas rendre témoignage aussi à celles et à ceux qui ont été tués les armes à la main ou lâchement exécutés par l’occupant ou la milice ?
Aux heures les plus sombres, ces soldats de l’armée des ombres portaient dans le regard la clarté des petits matins. Ils étaient l’âme renaissante de notre pays encore plongé dans la nuit de l’occupation et de la collaboration. Ils ont consenti tous les risques sans jamais s’arrêter à ce que l’ennemi pourrait leur infliger pour s’être dressés contre lui. Ils sont de ceux qui ont rendu à la France son honneur et la France à son destin.
Aujourd’hui, par leur exemple, nous savons le pouvoir de la volonté, aux services de nos idéaux communs qui fondent les valeurs de notre République et de notre démocratie, pour inverser le cours des choses, pour renverser un ordre injuste.
Nous sommes là aussi pour nous souvenir que la folie nazie voulait éliminer les Tziganes.
Nous sommes là aussi pour nous souvenir que la folie nazie voulait éliminer les plus faibles, les plus fragiles, les personnes frappées par le handicap dont l’existence même faisait affront à leur conception de l’homme et de la société.
En Allemagne, mais aussi sur notre territoire, nous sommes aussi là pour nous souvenir de celles et ceux que leur vie personnelle distinguait, je pense notamment aux homosexuels qui étaient poursuivis, arrêtés et déportés.
Aujourd’hui, nous savons que la tolérance et le refus des discriminations appartiennent au socle intangible des droits de l’homme. Nous savons aussi que ce combat de l’acceptation de l’autre et de ses différences n’est jamais achevé. Il demeure l’un des plus ardents pour notre République.
Mesdames, Messieurs,
Ils voulurent exterminer les Juifs, tous les Juifs.
Toute l’histoire de l’humanité est à jamais marquée par la Shoah.
Dans cette entreprise folle et criminelle, les nazis ont mis tous les moyens de la technique et de l’industrie au service de la terreur et de l’anéantissement.
Aujourd’hui, instruits par l’histoire, nous savons qu’aucune dérive, aucune faiblesse n’est acceptable. Nous savons que rien n’est banal ni anodin. Nous savons comment l’horreur fait ses premiers pas. Nous savons où conduit la faiblesse des nations.
La Shoah interpelle chacun de nous au-delà de toute mesure. Elle est, pour nous tous, une exigence de réflexion et d’action. Elle nous fait devoir de lutter sans merci contre toutes les formes de racisme et d’antisémitisme, contre toutes les formes de révisionnisme, contre tous ceux qui proclament l’inégalité entre les hommes.
Si le XXe siècle fut un siècle de progrès prodigieux, comme jamais l’humanité n’en avait connu, il fut aussi celui de malheurs immenses. Au seuil de ce nouveau millénaire, et pour que l’Histoire ne se répète pas, la communauté internationale a le devoir de veiller au respect des droits de l’homme et des valeurs universelles.
Depuis la France, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes, souvent jeunes, résistants et politiques, ont connu l’épreuve terrible de la déportation. Moins d’un sur deux en est revenu.
Depuis la France, plus de 75.000 Juifs, femmes et hommes, vieillards, enfants, ont pris le chemin tragique des camps d’extermination. Seuls quelques-uns d’entre eux ont survécu.
Aujourd’hui, ici à Colombes comme partout en France, unis dans la même émotion et dans le même recueillement, nous nous souvenons de tous et de chacun pour ne jamais oublier.
Je vous remercie de votre attention.
Philippe SARRE
Maire de Colombes
Discours prononcé par Martine Antognazza, Adjointe au Maire.
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